La République Démocratique du Congo (RDC) est le premier exportateur mondial de cobalt. Selon les chiffres officiels, environ 20% de la production du minerai provient des mines artisanales. Des zones de non-droit où hommes, femmes et surtout enfants travaillent sans la moindre sécurité et au risque de perdre la vie. À côté de ce désespoir profond et de cette misère insoutenable, il y a de grandes entreprises (Renault, Tesla, Apple, etc.) qui profitent du commerce illégal du cobalt pour réaliser des bénéfices stratosphériques. C’est un fait, les ordinateurs, les batteries des voitures électriques et les téléphones que nous utilisons baignent dans le sang du Congo.
L’importance stratégique de l’approvisionnement en cobalt
Le cobalt est un métal rare et précieux d’une importance hautement stratégique pour la fabrication des batteries électriques au lithium. Ces dernières jouent un rôle déterminant dans la transition énergétique amorcée par l’Europe, l’Amérique du Nord et l’Asie pour le développement des voitures électriques. À côté de cela, il y a bien entendu nos smartphones et tous les autres appareils électroniques qui ont besoin de cobalt pour fonctionner.
Un minerai qui fait polémique
Les accumulateurs lithium-ion, une technologie que l’on retrouve sur la quasi-totalité des batteries aujourd’hui, contient environ 20% de cobalt. Grâce à ce minerai, les batteries sont bien plus efficaces et jouissent d’une meilleure durée de vie. Même si d’autres technologies sont actuellement en cours développement, le cobalt reste un minerai déterminant pour la fabrication des batteries lithium-ion.
Le Congo, le centre du monde pour l’approvisionnement en cobalt
La moitié des réserves mondiales du cobalt est localisée dans le sud-est du Congo. 80 % des mines de cobalt sont industrielles et sont sous la surveillance de l’État. Par contre, les 20% restants sont spécialisés dans l’extraction artisanale, donc à la main et avec des moyens très rudimentaires. Selon les derniers chiffres, près de 200.000 mineurs illégaux, les « creuseurs », travaillent dans ces mines extrêmement dangereuses.
Un pays au bord de l’implosion
60% du cobalt dans le monde est extrait en République Démocratique du Congo. Avec plus de 81 millions d’habitants, le pays est déchiré par des années de guerre, d’instabilité politique, de tensions ethniques et de massacres. Aujourd’hui, c’est l’exploitation des enfants dans les mines qui est au cœur de la polémique. Nombreuses sont les organisations de défense des droits de l’Homme qui militent pour l’extraction d’un cobalt éthique, qui respecte le droit des travailleurs et sans le travail forcé des enfants.
Depuis deux décennies, la succession des conflits a fait plus de 6 millions de morts. Le pays est extrêmement riche en minerais, en métaux précieux et en pierres précieuses, mais une autre guerre vient de démarrer, c’est celle du cobalt. En effet, la RDC attire la convoitise des pays industrialisés, et certains États comme la Chine n’y voient aucune objection profiter de ce commerce extrêmement lucratif en partie soutenu par le travail des enfants.
Grâce à leur taille de guêpe, les enfants sont appelés à se faufiler dans des galeries qui s’enfoncent profondément dans le sol afin de récolter le précieux minerai qui permet à nos batteries de fonctionner. Malheureusement, les mines illégales du Congo sont de véritables tombeaux à ciel ouvert.
Des conditions de travail inhumaines en violation du droit
Selon les prévisions de la Banque Mondiale, en 2018, 73% de la population en RDC vivait en situation d’extrême pauvreté. Les zones rurales sont d’autant plus frappées par la pauvreté que les mines sont l’unique alternative pour gagner un peu d’argent.
L’insécurité, l’instabilité politique et le manque d’engagement des autorités sont tant de facteurs qui favorisent l’exploitation des enfants. Main-d’œuvre facile et sous-payée (2 à 3 dollars par jour), ces derniers, parfois orphelins, sont exploités en masse.
Combien y a-t-il d’enfants dans les mines du Congo ?
Selon Amnesty International, le cobalt qui se retrouve dans nos batteries est en grande partie produit par le travail forcé des enfants. En compagnie d’adultes, ces derniers travaillent plus de 8 heures par jour dans des mines illégales, sans la moindre protection et au mépris de toutes les règles de sécurité.
Au Congo, il n’est pas rare de voir des enfants âgés d’à peine 7 ans creuser pour gagner de l’argent. Les tunnels de ces mines sont si étroits qu’il est difficile d’y respirer. Les ouvrages sont si rudimentaires que les éboulements sont légion. Pour sa part, l’UNICEF avance le chiffre de 40.000 enfants qui travaillent dans les mines.
La mort, l’unique délivrance des mineurs illégaux
Se résilier à ne plus creuser ? Impossible pour ces milliers d’hommes, de femmes et d’enfants qui pour la plupart, sont contraints de travailler pour moins d’un dollar par jour. Sous la pluie, la boue, les moustiques et l’écrasante chaleur équatoriale, chacun est appelé à se surpasser, à puiser au plus profond de lui-même pour soulever des sacs de 20 à 40 kg toute la journée.
La ruée vers le cobalt ou l’hécatombe programmée
À ce qu’est le pétrole pour le Nigeria, le cobalt est sans nul doute la malédiction du Congo. Chaque année, ce sont des dizaines de creuseurs qui meurent dans l’indifférence totale dans les mines artisanales.
Le 7 septembre 2015, 13 personnes ont perdu la vie dans une mine artisanale de cobalt du Haut-Katanga. Une semaine auparavant et toujours sur le même site, ce sont 17 personnes qui avaient perdu la vie dans les conditions similaires lors d’une série d’éboulements.
Le jeudi 27 juin 2019, ce sont au moins 43 mineurs illégaux qui sont morts dans la mine de la compagnie Kamoto Copper Company (KCC), à 75% détenue par le Suisse Glencore, négoce et spécialiste de l’extraction de matières premières.
Des conditions de travail abominables pour des salaires de misère
Une partie des revenus tirés de l’exploitation des mines atterrit directement dans la poche des groupes armés et des fonctionnaires corrompus. Les mineurs quant à eux perçoivent des salaires de misère, juste de quoi subvenir à leurs besoins.
En cas de maladie ou d’accident de travail, les creuseurs ne peuvent compter que sur eux-mêmes. L’assurance maladie ou les arrêts de travail sont des termes qui n’existent pas là-bas. Seul le travail de forçat est reconnu pour prétendre avoir une vie.
Tesla, Lenovo, Apple, BMW et Microsoft, des coupables silencieux ?
Depuis plusieurs années, les géants mondiaux, aussi bien des hautes technologies que de l’automobile, sont accusés de laxisme, voire de complicité, en nouant des partenariats avec des entreprises qui vendent du cobalt issu des mines artisanales et du travail des enfants.
Les géants de la tech dans l’œil du cyclone
Si de nombreuses ONG ne cessent de dénoncer le silence coupable de ces entreprises jugées immorales, International Rights Advocates (IRA), une organisation américaine qui milite pour les droits de l’Homme a décidé de porter plainte contre 5 géants de la tech (Apple, Google, Dell, Microsoft et Tesla) pour indirectement exploiter les enfants au Congo.
La plainte déposée en décembre 2019 auprès d’un tribunal de Washington D.C. est faite au nom de 14 familles dont les enfants sont décédés ou ont été grièvement blessés à cause du travail dans les mines de cobalt.
Le secteur automobile coupable de l’exploitation des enfants
Réduire les émissions de CO2 en passant à l’électrique, tel est le nouveau crédo des États et des constructeurs qui peuvent d’ores et déjà se frotter les mains. Si l’on se réfère aux chiffres du cabinet JATO Dynamics, la barre des 2 millions de voitures électriques vendues dans le monde a été franchie en 2018. Selon les prévisions, la production mondiale devrait atteindre les 350.000 tonnes en 2030, soit une augmentation de 70% par rapport à 2016.
En 2016, Amnesty International a longuement enquêté au Congo et a fini par découvrir que plusieurs multinationales de l’automobile à l’instar de Renault, Daimler, BMW ou encore General Motors, ne font pas assez d’effort quant à la transparence de leur approvisionnement. Pire, certaines de ces marques nient collaborer avec des fournisseurs impliqués dans le travail des enfants et préfèrent fermer les yeux.
Quelles solutions pour lutter contre le travail des enfants au Congo ?
Pour l’instant, de nombreuses mines artisanales continuent de produire du minerai sale en toute impunité, sans que personne ne puisse y mettre fin. Même si de nombreuses pistes sont évoquées pour la production d’un minerai éthique et que le contrôle par la blockchain soit évoqué, il n’en demeure pas moins que de nombreux efforts doivent être consentis par les grandes entreprises.
Elles doivent non seulement s’interdire de travailler avec des fournisseurs qui incitent au travail des enfants, mais elles doivent également ouvertement s’engager en faveur d’une meilleure traçabilité du minerai.
De son côté, le gouvernement congolais doit prendre des mesures fortes pour mieux encadrer les mines artisanales, quitte à déployer des forces armées autour des mines afin de les sécuriser. Par ailleurs, la délivrance de permis d’exploitation, la lutte contre la corruption et des mesures d’accompagnement pour sortir les enfants des mines doivent faire l’examen d’un meilleur suivi.
Par exemple, il serait intéressant que le gouvernement construise des écoles en faveur des enfants en âge d’être scolarisés et que les plus grands (au-delà de 17 ans) soient intégrés à des programmes de formation pour l’apprentissage de métiers.
Une fois passées sous la tutelle du gouvernement, ces mines devraient reverser une part conséquente des revenus aux mineurs. En plus de leur permettre de vivre décemment, cela les empêcherait de retourner travailler au noir. L’argent de la redevance minière récoltée par l’État congolais doit impérativement être injecté dans la construction des routes et des structures de base (école, hôpitaux, dispensaire, etc.).